Halimi Abdallah ([email protected])
« C’est avec tristesse et le cœur plein d’amertume que nous nous adressons à vous. En ce jour, une grande et terrible catastrophe s’est abattue sur notre pays. Un affreux cataclysme a détruit la ville d’Agadir, a fait de ses habitants des victimes et l’a laissée en ruine. La parole est incapable de décrire cette calamité. L’heure n’est pas au discours, car ceux que Dieu a sauvés attendent de nous des actes de solidarité, mais non point des pleurs et des paroles », Discours du Feu Mohamed V, le 1 mars 1960.
Aujourd’hui, jeudi 29 février 2024, la ville d’Agadir commémore le 64ème anniversaire de tremblement de terre, le plus puissant de l’Histoire du Maroc, qui a frappé la ville la nuit du 29 février 1960 (2 Ramadan1380) vers 23h40.
Cette nuit, le Cinéma Salam avait programmé le film américano-japonais : «Godzilla», l’histoire de cette créature qui détruit toute une ville, Tokyo. Alors que les spectateurs rentraient chez eux, la ville calme se mit à trembler et les spectateurs croyaient qu’il s’agit vraiment d’un «Godzilla».
Une ville détruite en 15 secondes
La ville d’Agadir, qui comptait plus de 45 mille habitants, fut dévastée par un violent séisme d’une magnitude de 5,7 sur l’échelle de Richter entraînant un nombre impressionnant de victimes : 15 000 morts en 15 secondes. 90% de la ville fut détruite surtout le quartier Founty, la Kasbah, Ihchach, Talborjt et une partie de la nouvelle ville : «Agadir : Plus de 5000 victimes morts et blessés ; la ville aux trois quarts détruite», «Agadir : c’est Pompéi vu d’avion, le célèbre site de la Kasbah a disparu», titre Le Petit Marocain (édition n° 13283 du 2 mars 1960).
Sur place l’envoyé spécial du journal, Chouffani El Fassi, décrit la catastrophe : «Jamais dans l’histoire du Maroc on n’a vu ou connu une aussi terrible catastrophe comme celle du 29 février qui sans nul doute va marquer tous les esprits, une date inoubliable mais douloureuse» (édition du 1er mars 1960). « Agadir demeure plongée dans le cauchemar… une ville morte, une ville foudroyée, sans aucune présence humaine que celle des sauveteurs… » (Gérard Marin, Le Figaro du 3 mars 1960). « Nuit d’épouvante à 400 km de la ville de Casablanca. La ville marocaine d’Agadir entièrement détruite par un séisme… Il ne reste plus de cette cité très moderne qu’un amas de pierres et de poutre tordues », (Journal de Neuchâtel (Suisse) 2 mars 1960). « Agadir rayée de la carte », (Sud-Est, 1 mars 1960)
Le Roi Mohamed V sur les lieux de la catastrophe
«Demain comme hier, Agadir sera l’exemple de la cohabitation fraternelle entre toutes les nationalités, de la confiance, du dynamisme, du travail, de l’espoir», Feu Mohamed V s’adressant aux ambassadeurs (Le Petit Marocain, N° 13292, du 7 mars 1960). Depuis cet appel royal, cette catastrophe a pris une dimension internationale par l’intervention de plusieurs pays pour secourir les victimes : la 7ème flotte américaine, des escadres françaises, néerlandaises, portugaises…
La reconstruction de la ville
Aujourd’hui, une nouvelle ville moderne renaît, reconstruite grâce à l’Appel de Feu Mohammed V resté gravé à nos jours sur le mur de souvenir en face du siège de la mairie : «Si la destruction d’Agadir est l’œuvre du destin, devant lequel nous sommes impuissants, sa construction sera de notre volonté et notre foi», soulignait Feu Mohammed V, (Le Petit Marocain, N° 13292, du 7 mars 1960), De même «La calamité qui nous a frappés loin de nous décourager et nous abattre» (Feu Mohamed V, 7 mars 1960).
Tous les moyens ont été mis à l’œuvre pour rendre vie à la ville d’Agadir «Nous allons tout raser et recommencer à zéro. Il faut que dans un an, le 2 mars 1961, Agadir soit reconstruite », un appel lancé par le Prince Moulay Hassan (Feu Hassan II) (Journal de Neuchâtel (Suisse) 2 mars 1960).
Comme responsable des opérations, le Prince My Hassan (Feu Hassan II) a créé le Haut-Commissariat à la Reconstruction d’Agadir (HCRA). Ses premières activités étaient de faire un premier bilan des dégâts, d’analyser les résultats des études géologiques pour déterminer les lieux à reconstruire. Les résultats de ces concertations a permis d’établir un plan d’urbanisme élaborant les règles antisismiques à appliquer, un document a été soumis et approuvé par le Souverain.
Pour la reconstruction de la ville, le gouvernement présidé par Feu Mohamed V a lancé un fonds spécial pour la reconstruction de la ville le 26 juillet 1960, le Dahir n°1-60-23, appelé « Le 5% d’Agadir » destiné aux victimes du séisme et à la reconstruction de la ville.
Une ville nouvelle renait des cendres
La ville d’Agadir est reconstruite à partir du plan directeur d’Agadir mise en place le Service de L’Urbanisme de Rabat, en respectant le décret n° 2-60-893, le premier règlement parasismique au Maroc, dit : « Normes Agadir 1960 », afin d’assurer la sécurité des bâtiments.
Certes, une ville est reconstruite en urgence en béton : des projets immobiliers, hôteliers, commerciaux, caractérisés par une urbanisation occidentale, offrant une image d’une ville moderne, autrefois nommée «Miami de l’Afrique». Pour certains, la ville a perdu son aspect typique du Maroc traditionnel : « Agadir est devenue une ville-dortoir marquée par une poussée gigantesque des immeubles».Six ans après, Feu Hassan II disait de la ville : « Agadir la neuve, sous nos yeux, … refaite par l’homme et pour l’homme, par le marocain pour les marocains et le Maroc » (1966) ; (Marie France Dartois (mfd.agadir, « Agadir et le Sud Marocain », 2008)
2020-2024, Agadir pour un pôle économique attractif
Le 4 février 2020, SM le Roi Mohammed V lance le Programme de Développement Urbain (PDU-Agadir) pour le développement de la ville mobilisant des investissements de l’ordre de 6 milliards de dirhams (MMDH). Un programme qui vise le positionnement et le renforcement de l’attractivité de la ville au niveau économique et touristique, en tant que destination touristique nationale et internationale, l’amélioration des indices de développement humain, la promotion des conditions de vie des populations, notamment des habitants des quartiers sous-équipés, le renforcement des infrastructures de base et la consolidation du réseau routier de la ville pour une mobilité.
Les principaux axes de ce programme : 1) la réalisation de la première ligne du bus à haut niveau de service de la ville d’Agadir sur un linéaire de 15,5 km, reliant le port d’Agadir au quartier de Tikiouine et la résolution des problématiques liées à la mobilité urbaine, à l’amélioration des conditions de sécurité routière et au renforcement de l’attractivité de la ville ; 2) la réalisation de la voie de contournement Nord-Est d’une longueur de près de 25 km et reliant l’aéroport d’Agadir Al-Massira au port commercial de la ville ; 3) l’aménagement urbain de la zone touristique d’Agadir et le renforcement de son attractivité ; 4) la préservation de l’environnement et l’aménagement des espaces verts de la ville : la création du parc de Tikiouine (28 ha) et du parc Al Inbiâat (25 ha), la restructuration et la mise à niveau du parc Ibn Zaidoun et du jardin d’Olhaou ; 5) la promotion culturelle et la mise en valeur du patrimoine et des lieux de culte, la réhabilitation de la Kasbah d’Agadir Oufella, l’aménagement de la place «Mémoire de la ville d’Agadir», la création d’un Musée du patrimoine amazigh, le réaménagement de l’ancien siège de Bank Al-Maghrib, la création d’une médiathèque et d’un centre des archives, la réhabilitation du Théâtre en plein air.
Quatre ans après, la réalisation de ce grand chantier avance sur l’ensemble de la ville. L’achèvement des travaux, fin 2024, permettra l’amélioration des conditions de vie des gadiris, la transformera de la ville en tant que destination touristique privilégié.