Saoudi El Amalki
Depuis déjà très longtemps, la localité d’Aït Melloul, relevant de la province d’Inezgane Aït Melloul, s’est caractérisée par des transgressions immobilières en abondance. Réputée pour son cachet industriel et commercial, elle se spécialise aussi de façon illicite, dans les dépassements fonciers, par-ci, par-là à tel point qu’elle en devient pionnière. Et ce n’est guère les exemples qui manquent à ce propos…
Dans ce sens, on citera le cas criant du lotissement « Al Maghreb Al Arabi », considéré comme l’un des plus grands projets urbanistiques, autorisé en 1992, regroupant plus de 600 villas et un ensemble d’équipements publics vitaux. L’objectif principal du projet étant de créer une zone résidentielle conciliant, en harmonie et cohérence, habitation et conditions de vie nécessaires…
Cependant, l’exécution de ce projet était confrontée à des obstacles juridiques et administratifs, depuis ses débuts, particulièrement dans une partie de ce lotissement s’étendant sur 3 hectares. C’est alors que les constructions se sont interrompues pendant une longue période, en raison d’un conflit entre « Al Omrane » en tant que propriétaire du projet et certains exploitants de terrains des eaux et forêts…
Ce différend a donc engendré l’arrêt d’exécution du plan initial qui comprenait la construction des villas et des équipements publics au service des citoyens. Après avoir surmonté cet handicap par des procédures judiciaires, il a été procédé à l’affectation de cette superficie à une société immobilière privée qui s’est lancée dans la construction de bâtiments à plusieurs niveaux au lieu des villas comme il a été programmé auparavant…
En plus, elle s’est désengagée de monter desdits équipements publics tel que conçu au départ du projet, conformément à l’autorisation originale. Selon les données officielles déjà mentionnées dans les registres fonciers, le terrain abritant le projet enregistré sous le titre foncier N. 82354/09 dans la conservation foncière d’Inezgane et dont l’appartenance revient de droit, sans construire, à la société « Al Omrane » de Souss Massa…
Ces indications montrent bien que ce foncier était réservé essentiellement à la réalisation des équipements publics et des espaces verts, au côté des villas afin de doter le lieu d’un environnement urbanistique complémentaire de nature à répondre aux attentes des citoyens. Or, l’exécution effective du plan ne s’est pas achevé comme prévu, puisque les équipements publics programmés n’ont pas eu lieu et en revanche, il a été monté par la société des résidences en place…
Le plan initial du projet stipule des infrastructures à même d’assouvir et d’améliorer la qualité des conditions de vie des résidents, notamment un dispensaire, une poste, une mosquée, une annexe administrative, un espace vert public, des locaux de commerce, des parkings de voitures. D’après des documents, la société « A Omrane » a déposé une demande de dérogation en vue de transmuer une partie du projet en zone pour habitat économique et social…
Cette transmutation se fait par le biais de changement de classement de terrain non exploité pour l’exécution des bâtiments résidentiels R+4 en place de villas initialement prévues. En fait, le projet a joui de l’approbation en 2014, dans un contexte où cette démarche était permise afin de motiver l’investissement. Cependant, cette mesure qui aspire à la suppression des contraintes était un outil pour certaines sociétés immobilières à contourner les lois en vigueur…
Cet abus a incité l’Etat, par la suite, à l’annuler de manière officielle, après avoir constaté des violations similaires dans nombre de projets. La commission de dérogation pour le projet en question a mis un certain nombre de conditions fermes pour assurer son équilibre tout en aménageant l’accès stratégique reliant le boulevard de la marche verte à Dar Attakafoul afin de le connecter avec le réseau routier principal, ce qui n’a pas été fait concrètement. Il est à souligner que la commission de dérogation a donné l’accord de principe, tout en formulant les conditions suivantes :
1- Prévoir les équipements projetés sur toute la partie donnant sur les villas, considérée comme zone tampon
2- Réaliser la voie reliant le projet à Dar Attakafoul
3- Établir une convention avec la commune d’Aït Melloul afin de réserver un équipement public à construire et à lui céder gratuitement
4- Prévoir deux salles polyvalentes à céder gratuitement à la commune
5- Assainir le foncier support du projet
La dérogation est donc tributaire du respect des conditions. Elle est nominative et octroyée exclusivement au propriétaire. Le délai de six mois à la date de dépôt de la demande de l’autorisation et de délai de six mois de l’entame des constructions, à compter de la date de délivrance de l’autorisation…
Parmi les dysfonctionnements enregistrés dans le projet, on retiendra l’affectation de l’autorisation de dérogation à une autre société, sachant que ladite autorisation nominative engage juridiquement et exclusivement son demandeur. De plus, elle l’oblige à entamer les travaux dans un délai butoir de six mois. Or, la société immobilière a procédé au chantier en 2022, huit ans après s’être procurée de l’autorisation de construire, ce qui rend caduque la décision de dérogation…
Selon donc les documents, la société « Al Omrane » avait cédé une partie du lotissement « Al Maghreb Al Arabi » à une société immobilité privée, en vertu d’une attestation de vente datée du 9 janvier 2019, sachant que le foncier affecté est estimé à 28 263 m3, enregistré sous le titre foncier 82 354/09. Selon le plan initial du projet, ce foncier est ce qui reste sous forme d’équipements publics que la commune devrait avoir, en plus de 20 villas…
Cette opération d’affectation s’est faite à hauteur de 8. 244 000, 00 dirhams en faveur d’une société privée qui s’active dans la promotion immobilière, ayant déjà une convention avec l’Etat pour exécuter des projets de logements sociaux, depuis 2017. Mais, la présente affectation renferme des problématiques juridiques puisque foncier était soumis à la dérogation parue en 2014, ratifiant des constructions R+4, à condition que le propriétaire mette des équipements publics…
Malgré le fait que la dérogation ait été claire à ce propos, en conditionnant le foncier à l’exécution des équipements publics, ces derniers n’ont pas été exécutés et la commune n’a perçu d’équipement initialement prévu. La société a par contre, construit des résidences à multiples niveaux, ce qui a occasionné un déséquilibre dans le tissu urbain dans cette zone et la privation des citoyens de se doter de services publics vitaux. Poursuivre la construction en vertu de dispositions permissives est dépourvu de tout soutien juridique…
Les documents officiels révèlent l’existence de flagrantes contradictions dans l’identité de la société bénéficiaire de l’opération d’affectation puisque le contrat original a été paraphé au nom d’une société de registre commercial et d’identifiant fiscal déterminés, alors que le contrat définitif a été signé une autre société, fraîchement constituée, après la résiliation de la première société. Les documents affirment que la nouvelle société qui a bénéficié du projet n’était partie prenante de la convention initiale avec l’Etat…
Il s’avère donc que la nouvelle société n’est pas habilitée à bénéficier du foncier affecté, ce qui rendrait l’autorisation accordée non avenue. De même , le dossier de demie de l’autorisation présentée par la nouvelle société comprend les statuts dr cette dernière, mais il contient la copie de la convention de la société initiale, ce qui susciterait un signe de manipulation des documents de projet dans le but de contourner les conditions imposées à la société originale…
Devant toutes ces irrégularités, trois conseillers de la commune d’Aït Melloul, relevant de l’opposition ont saisi le gouverneur de la province, demandant l’application de l’article 64 du décret 113/14, relatif à l’écartement du président. De même, les trois élus en question ont déposé une plainte auprès de la cour administrative réclamant la dissolution du contrat de vente et l’annulation de la décision, en s’opposant à la livraison provisoire. En réaction à cette offensive, la société aurait accusé les élus d’avoir allumé du feu dans un engin, ainsi que bien d’autres accusations gratuites. Une réaction éhontée qui tend à faire taire la voix de la loyauté et du respect des deniers publics. Il convient de souligner que suite à cet acte d’intimidation envers les conseillers, une multitude d’organisations politique, syndicale, associative, de droits de l’homme, féminines, culturelles ont signé une pétition de solidarité avec ces trois conseillers de la commune !