Agadir 24 / (Article autorisé de Mme Bouchra KIBBOU pour Agadir 24)
Jacques Chirac aimait le Maroc, il avait une relation assez particulière avec ce pays de coeur où chaque visite illuminait davantage son cœur et son émerveillement pour ce pays merveilleux. D’ailleurs il avait désigné la destination Maroc favorite pour les fêtes de Noël et de fin d’année, Jacques Chirac aimait se rendre à Agadir et y avait ses petites habitudes. Il était toujours ravi de faire escale à Taroudant également pour réveillonner dans les règles de l’art à la marocaine. Pour l’ancien Président de la République il n’y a aucun doute le Maroc est le plus bel endroit du monde.
Discours de M. Jacques Chirac, Président de la République, sur les relations franco-marocaines, l’importance de l’immigration marocaine en France, les liens du Maroc et de la Communauté européenne et la convergence de vues françaises et marocaines pour la paix, Rabat le 20 juillet 1995.
« Sire,
Permettez moi de vous dire mon émotion, ce soir, au terme de ces deux journées où le Maroc, son souverain et son peuple, ont marqué tant d’attentions et d’amitié à mon égard et à l’égard de la France. Cette visite, dans le cadre familial que vous avez souhaité, montre combien l’intimité des rapports entre nos deux peuples est exceptionnelle.
Cet attachement si particulier vient aussi du fait que les Français connaissent bien les Marocains. Le respect que nous éprouvons pour un peuple fier et courageux, pour un peuple qui, au travers de l’Histoire et des épreuves, conserve intacte sa personnalité tout en s’ouvrant sur l’Europe £ ce respect, Sire, s’explique aussi par Votre personne et l’exceptionnelle considération et popularité dont Elle jouit dans notre pays. Le Général de Gaulle, vous accueillant à Orly le 26 juin 1963, prononçait cette phrase qui reste plus que jamais d’actualité. Je le cite : « Nous voyons en Votre personne un Etat maître de lui-même, fidèle à ses traditions et, en même temps, résolu à s’ouvrir toutes les voies de la civilisation moderne. Comment un pareil effort ne serait-il pas aussi sympathique que possible à la France ? D’autant plus qu’il se développe sans nulle atteinte à notre amitié ».
Mon souhait, Sire, est de développer cette amitié avec le Royaume du Maroc, et je cite de nouveau le Général de Gaulle : « Cet Etat national et populaire, fidèle à ses traditions et ardemment tourné vers le progrès, fondé sur une constitution votée à la majorité immense et enthousiaste de ses citoyens, que nous voyons et honorons en Votre personne. C’est avec cet Etat que la République française traite de nos intérêts communs ». Ces intérêts sont, aujourd’hui décisifs pour la stabilité de « ce lac de paix » que doit être la Méditerranée.
J’ai toutefois le sentiment que, si nos relations bilatérales sont aujourd’hui étroites et diversifiées, elles manquent un peu de ce supplément d’âme et d’affection qu’elles n’auraient jamais dû cesser d’avoir.
Gardons-nous de tout ce qui peut les faire tomber dans la banalisation ou la routine. Nourrissons ensemble une grande ambition pour la relation franco-marocaine à l’image de ce qu’ont voulu votre père, sa Majesté Mohammed V, que Dieu l’ait en sa Sainte Garde, et le Général de Gaulle. Vous savez combien le souvenir du Général et son message sont présents à mon esprit. Comment ne pas évoquer ses visites de 1943, au moment où, ici même, il préparait la libération du territoire national, où feu votre père l’assurait de son soutien à la France combattante. Ce Maroc qu’il connût si bien pour avoir parcouru Rabat, Casablanca, Meknes, Fès, Ifrane, Marrakech. Et puis, ce 18 juin 1945, où il remit à feu sa Majesté Mohammed V les insignes de compagnon de la Libération. Feu votre père n’écrit-il pas, je le cite : « à chaque 18 juin, notre coeur en étroite communion de pensée et d’idéal, se joint à tous les Français qui raniment avec ferveur et fierté la flamme du souvenir ».
Cette communauté de destins, cette fraternité d’armes, justifiaient la présence de SAR le prince héritier Sidi Mohammed, votre fils aux cérémonies commémorant la libération de la Provence. Je sais aussi combien vous-même, Sire, êtes attaché au souvenir du sang versé en commun par nos soldats. Vous l’avez rappelé aux Goums réunis récemment en Congrès au Maroc. Aux descendants de ces héros marocains, mais aussi à ces 700000 Marocains qui vivent aujourd’hui en France, je souhaite adresser un message d’amitié et de reconnaissance. Participant au développement de notre pays, respectueux des lois de la République, mais en même temps profondément attachés au Maroc, vos compatriotes sont considérés par les responsables de la France comme des hôtes privilégiés. Sachez que la République ne tolérera pas qu’il soit porté atteinte au bien-être, à la sécurité ou à l’honneur de vos sujets présents sur notre sol.
En visitant, ce matin, la Mosquée de Casablanca, grandiose incarnation de la foi musulmane qui habite si profondément le Maroc et son souverain, j’ai éprouvé un sentiment de grandeur. Mais en admirant cette oeuvre mes pensées sont allées aussi vers les 4 millions de musulmans de France, qui, à l’égal de tous les citoyens, et dans le respect de nos valeurs, enrichissent la communauté nationale. Au-delà, j’ai pensé à ce milliard et demi de musulmans que vous incarnez aujourd’hui, Sire, en présidant l’Organisation de la Conférence islamique. A ces centaines de millions de croyants qui vivent leur foi dans un esprit de tolérance, au travers d’un Islam moderne et ouvert sur le monde, la France manifeste son respect. Elle ne confond pas l’Islam, deuxième religion de notre pays, avec l’image déformée et caricaturale qu’en donnent les tenants de l’islamisme extrémiste. Pour autant, nous restons fermes dans notre dénonciation de l’intolérance et du fanatisme religieux, ainsi que dans la lutte contre le terrorisme, dont je tiens à vous assurer à nouveau que notre pays ne deviendra jamais la base arrière.
Notre responsabilité devant l’Histoire est de promouvoir une meilleure compréhension entre nos civilisations et nos cultures. De développer, Sire, ce dialogue entre les religions auquel vous-même êtes tant attaché.
Aujourd’hui, c’est bien sous le signe de l’exception que j’entends, au nom de la France, placer nos relations avec le Maroc. J’ai compris au cours de nos conversations que tel était, Sire, également votre voeu. Cette visite que nous avons souhaitée intense et exemplaire, marque l’intimité qui, à travers deux chefs d’Etat et leurs familles, imprègne les relations entre nos peuples. Cette intimité, je l’ai ressentie à chacun de nos entretiens, mais aussi lors des manifestations d’amitié que m’ont témoignées le peuple du Maroc dans mes déplacements à Rabat et à Casablanca. Elle se manifeste dans tous les aspects de nos relations. D’abord par cette langue, le français, que nous avons en partage. Nous sommes fiers, Sire, que le Français soit utilisé par de si nombreux Marocains, aux côtés de votre langue officielle, l’arabe. Notre souhait, afin de contribuer à l’insertion du Maroc dans son environnement international est de participer à la grande oeuvre d’adaptation de la formation des jeunes Marocains que vous avez appelée de vos voeux. Nous sommes disponibles pour rénover la coopération culturelle et linguistique entre nos deux pays.
Cette paix de demain, en faveur de laquelle le Maroc a tant travaillé, ne saurait être complète tant que la question du Sahara Occidental n’aura pas trouvé un règlement juste et durable. La France, par un soutien constant au processus conduit par l’ONU, n’a cessé de l’appeler de ses voeux. Le temps désormais presse, mais je tiens à rester confiant dans la volonté des parties de tout faire pour permettre la mise en oeuvre, dans les délais prévus, du plan de règlement des Nations unies qu’elles ont accepté.
Vous avez, Sire, en tant que chef d’une grande nation, vocation à traiter de tout ce qui intéresse la paix, la guerre, le développement, les conflits, la sécurité et notre avenir commun. Nous avons ensemble vocation à peser sur l’équilibre de la région, mais aussi du monde. Vous et nous, et mieux encore : vous et nous côte à côte, pourrons jouer ce rôle pour la paix dans le monde.
Sire, c’est ce soir un Français passionné et un Européen convaincu qui s’adresse à vous après avoir été, avec sa famille, durant ces deux jours, votre invité et l’objet de toute votre affection. L’amitié, pour être forte, se doit d’être exigeante. La relation entre la France et le Maroc, nous l’avons dit, ne peut se satisfaire d’être excellente. A l’aube du septennat, j’ai souhaité, ici, au Maroc, vous assurer de mon indéfectible amitié et de ma volonté d’imprimer toute l’énergie nécessaire aux rapports entre nos deux pays et nos deux continents. En vous recevant au Palais de l’Elysée le 26 juin 1963, le Général de Gaulle levait son verre en votre honneur, en celui du Maroc, aux côtés duquel, disait-il « La France souhaite marcher sur la route de l’avenir ».
Ce soir, plus que jamais, nous devons ensemble construire notre avenir et notre destin. Avec foi en cet avenir commun, je lève mon verre à la santé de Sa Majesté Hassan II, Roi du Maroc, au bonheur et à la réussite que je souhaite à vous-même, à votre famille et à tous ceux qui m’entendent ce soir, et à travers vous, Sire, au peuple marocain, ami de la France et du peuple français.
Vive le Maroc ! Vive la France !Vive l’amitié franco-marocaine ! » Jacques Chirac, Président de la République Française.
Toujours très proche de son public Jacques Chirac savait communiquer avec diplomatie et simplicité, il représentait le père de la Nation française car il a toujours su rester modeste et très humble surtout durant la prise de ses hautes fonctions. Toujours prêt à donner l’exemple et à diffuser l’image d’un Président profondément attaché aux valeurs républicaines et aux siens, Jacques Chirac était un homme unique en tous points. Avec le IVeme Sommet de la Terre en 2002 il marqué une page dans l’histoire de l’écologie. Véritable homme des Lumières, il savait rester lucide en toute circonstance, il a d’ailleurs été élu Président Préféré de la Ve République.
Bouchra KIBBOU