Les pays de la région Moyen-Orient et Afrique du Nord (MENA) devraient connaître une croissance de 5,2 % en 2022, un taux rapide mais inégale sur fond d’incertitudes liées à la guerre en Ukraine et à la pandémie, a révélé jeudi la Banque mondiale (BM).
Intitulé « Confrontation avec la réalité: prévisions de croissance dans la région Moyen-Orient et Afrique du Nord en période d’incertitude », le dernier bulletin d’information économique de la BM pour la région MENA évoque « une reprise inégale, les moyennes régionales masquant de grandes différences ».
Selon les experts de l’institution internationale basée à Washington, « une incertitude accrue entoure cette prévision en raison de la guerre en Ukraine et de la menace continue que représentent les variants de la COVID-19. »
« Les pays producteurs de pétrole bénéficieront de la hausse des prix du pétrole et des taux de vaccination alors que les pays fragiles sont à la traîne », soutient la même source, notant que le resserrement de la politique monétaire mondiale, l’imprévisibilité de l’évolution de la pandémie, les perturbations continues de la chaîne d’approvisionnement et les hausses des prix des produits alimentaires augmentent les risques d’inflation pour l’ensemble de la région.
« Nous ne sommes pas encore au bout de nos peines. Les variants de la COVID-19 restent une menace. Les risques sont exacerbés par la guerre en Ukraine, notamment pour les personnes pauvres qui subissent de plein fouet la hausse des prix des denrées alimentaires et de l’énergie. En ces temps d’incertitude, nous devons faire preuve de réalisme quant aux perspectives de croissance de la région », prévient Ferid Belhaj, vice-président de la Banque mondiale pour la région MENA.
« Gérer cette vague d’incertitudes est un défi majeur pour les décideurs, et la Banque mondiale est déterminée à travailler avec les gouvernements de la région MENA en cette période de risques aggravés », ajoute-t-il.
La dépréciation de la monnaie dans certains pays de la région accentue déjà les pressions inflationnistes. Les pays confrontés à des difficultés budgétaires et à des vulnérabilités en matière d’endettement auront probablement plus de mal à refinancer leur dette ou à émettre de nouveaux titres d’emprunt dans un contexte marqué par des conditions de financement plus strictes, les banques centrales du monde cherchant à contenir les anticipations inflationnistes, explique l’analyse.
Les pressions inflationnistes créées par la pandémie sont exacerbées par la guerre en Ukraine, fait observer la même source, rappelant que les pays de la zone MENA dépendent fortement des importations de denrées alimentaires, notamment de blé en provenance de Russie et d’Ukraine.
« La hausse des prix alimentaires et le risque accru d’insécurité alimentaire risquent de toucher le plus durement les familles pauvres, car celles-ci consacrent généralement une plus grande part de leur budget à la nourriture et à l’énergie que les ménages riches », souligne-t-on.
Malgré le taux de croissance annoncé à 5,2 %, le PIB par habitant, indicateur du niveau de vie des populations, dépassera à peine les taux d’avant la pandémie en raison de performances généralement médiocres en 2020 et 2021, indique le rapport.
Dans les pays du Conseil de coopération du Golfe, le PIB par habitant, stimulé par la hausse des prix du pétrole, devrait augmenter de 4,5 % en 2022, mais ne retrouvera pas son niveau d’avant la pandémie avant 2023. En revanche, en 2022, le PIB par habitant des pays exportateurs de pétrole à revenu intermédiaire devrait augmenter de 3,0 %, et de 2,4 % pour les pays importateurs de pétrole de la région, ce qui ne suffira pas à ramener les conditions de vie des populations à ce qu’elles étaient avant la pandémie. Dans l’ensemble, si ces prévisions se réalisent, 11 des 17 pays de la région MENA pourraient ne pas retrouver leur niveau d’avant la pandémie avant la fin de 2022.
Pour ajouter à l’incertitude liée à la pandémie, seul un tiers des pays à revenu intermédiaire de la région MENA ont des taux de vaccination plus élevés que d’autres pays de niveau de revenu comparable, déplore la Banque mondiale. En date du 4 avril 2022, avec une moyenne de 75,7 %, les pays du Golfe — à l’exception d’Oman qui affiche un taux de vaccination de 57,8 % — font nettement mieux que les autres pays dans la même catégorie de revenu. « Mais des pays comme l’Algérie et l’Irak n’ont vacciné qu’environ 13 à 17 % de leur population », regrette le rapport, ajoutant que le Yémen et à la Syrie, quant à eux, présentent des taux de vaccination à un chiffre, les laissant ainsi plus exposés aux conséquences économiques et sanitaires de la pandémie de Covid-19 dans un futur proche.