: Abdelouahab BENALI
Doctorant à la FSJES de Tanger
Dans les dernières décennies le Maroc a redoublé ses efforts pour soutenir les différents secteurs industriels. Plusieurs stratégies ont été adoptées pour construire une industrie forte et moderne. Le plan Emergence et le plan d’accélération industrielle ont déterminé six branches de l’industrie dits « métiers mondiaux » du Maroc sur lesquels se focalisent toutes les actions de soutien, de modernisation et de restructuration. Il s’agit bien évidemment de l’offshoring, l’automobile, l’aéronautique, l’électronique, le textile et cuir et l’agroalimentaire. Plusieurs zones industrielles, zones franches et plateformes intégrées ont été mises en place pour accueillir les industries relevant de ces secteurs. Certaines de ces zones sont généralistes et accueillent toutes les catégories d’activités industrielles et de services comme la zone franche Tanger Free Zone qui contient des activités de l’automobile, l’aéronautique, l’électrique et l’électronique, la chimie et parachimie, le textile et cuir, l’agro-alimentaire et les services. Par contre, d’autres zones sont plus spécialisées et dédiées uniquement aux industries relevant d’un secteur particulier. On cite par exemple, les zones franches Tanger Automotive City, Midparc de Nouacer, Medhub de Tanger Med et Tétouan shore réservées respectivement aux industries de l’automobile, l’aéronautique, la logistique et l’offshoring.
Dans cet artciclen nous allons étudier en détail l’exemple de la zone Tanger Automotive City (TAC) et son rôle dans la création de l’emploi au niveau de la région d’accueil.
- Bref aperçu sur la zone Tanger Automotive City :
La zone franche Tanger Automotive City (TAC) a été créée par la signature le 10 mars 2010 de la convention cadre pour l’aménagement, le développement, la promotion, la commercialisation et la gestion de la P2I Tanger-Jouamaa par l’Agence Spéciale Tanger Méditerranée (TMSA) et la publication dans le Bulletin Officiel le 20 Avril 2011 décret n°2-10-377 portant création de la zone.
La zone TAC se situe dans la commune rurale de Jouamaa, province Fahs Anjra, à environ 18 km du centre de la ville de Tanger et à proximité de l’usine Renault Tanger. Elle s’étale sur une superficie de 323 ha répartis sur deux zones : une zone libre et une zone franche. La zone libre peut inclure les différentes activités industrielles alors que la zone franche est réservée exclusivement à l’industrie automobile.
Le démarrage de l’activité industrielle a commencé en mois de juin 2014 avec l’ouverture de la première unité industrielle du laeder américain Electrical Components InternationaI (ECI) spécialisé dans le câblage électronique et automobile. La zone compte actuellement 54 entreprises qui sont toutes opérationnelles à l’exception d’une seule unité en arrêt relevant de l’équipementier coréen DAEDONG SYSTEM spécialisé dans la fabrication et la commercialisation de pièces et accessoires automobiles.
- Evolution du nombre des entreprises :
Source : auto-construction à partir des données TAC
Le nombre des entreprises dans la zone TAC est en évolution continue, soit 4 entreprises en 2014, 16 en 2016, 35 en 2019 et 54 en 2021. Cependant, on peut constater que cette évolution demeure limitée. Après huit ans du démarrage de la zone, un chiffre de 53 entreprises reste modeste si on le compare avec le nombre d’entreprises attirées par la zone Tanger Free Zone (TFZ) qui a débuté son activité en 1999 et après huit ans cette zone avait déjà en son territoire 370 entreprises.
Certes, après la zone franche du port de Tanger créée en 1961, la zone TFZ a été la seconde zone franche d’exportation moderne au Maroc et le besoin dans ce type d’espaces industriels était très élevé.
Actuellement, le Maroc dispose de plusieurs zones franches et zones industrielles libres et la concurrence entre elles est acharnée pour attirer les investissements étrangers. En plus, la zone TAC est très sélective dans l’acceptation des demandes d’implantation qui doivent porter sur des investissements riches en termes de chiffre d’affaires et du savoir-faire. Par ailleurs, le contexte économique international est très bouleversé par la succession des crises économiques et financières qui a sans doute eu un impact très lourd sur les économies des pays émetteurs et la montée en puissance de la Chine au détriment de l’Union Européenne et les Etats-Unis.
Ce retard dans l’attraction des investissements étrangers par la zone TAC se répercute sur le taux de remplissage de la zone qui ne dépasse pas 43%. Ainsi, des efforts de marketing et de promotion doivent être déployés pour le combler le retard dans l’attraction des investissements étrangers et éviter l’entrée prématurée de la zone dans la phase de stagnation.
A noter que toute zone franche passe par trois étapes : une phase de lancement, une phase de maturité et une phase d’intégration. La phase de lancement se caractérise par le nombre élevé des entreprises qui s’implantent dans la zone. Dans la phase de maturité, le nombre des entreprises nouvelles est faible et la zone se focalise sur les investissements riches en valeur ajoutée et en savoir-faire. Lorsque la zone détient un niveau avancé de maturité, l’objectif devient la multiplication des relations avec l’économie locale, c’est ce qu’on appelle la phase d’intégration.
La ventilation par secteurs d’activité :
La zone TAC comprend plusieurs activités industrielles. Le graphique suivant représente la répartition des entreprises de la zone selon le secteur d’activité.
Source : auto-construction à partir des données TAC
La ventilation des entreprises de la TAC par secteurs fait apparaître que la majorité des entreprises appartiennent au secteur de l’automobile. Cela justifie la vocation automobile de la zone qui vise à offrir un espace convenable et avantageux pour les équipementiers automobiles en particulier les fournisseurs de l’usine Renault de Tanger très proche de la zone TAC.
Ainsi, 68% des entreprises font partie du secteur de l’automobile, 9% du secteur de l’électrique et l’électronique, 7% du secteur de la logistique, 6% du secteur des services, 6% du secteur mécanique, métallique et métallurgique, 2% du secteur de la fabrication des emballages et 2% du secteur des travaux routiers.
La ventilation par origine :
La répartition des entreprises selon leurs pays d’origine se présente comme suit :
Source : auto-construction à partir des données TAC
On constate l’existence d’une diversification des origines des entreprises au sein de la zone TAC et une ouverture sur certains pays qui n’avaient pas auparavant le Maroc comme une destination privilégiée. Les entreprises françaises sont en tête des investisseurs à la zone TAC suivies des entreprises américaines, indiennes, japonaises et italiennes.
- La dynamique de création d’emploi :
La création d’emploi est un objectif essentiel de la mise en place de toute zone franche ou industrielle. Ces emplois peuvent être directs à travers les postes créés effectivement au sein de l’entreprise ou indirects par le biais des relations avec les entreprises locales (approvisionnement local, restauration, nettoyage, gardiennage, comptabilité, transit, etc.).
Source : auto-construction à partir des données TAC
Le nombre des emplois créés par la zone TAC a enregistré un accroissement remarquable en particulier entre 2019 et 2021. Ce nombre a été de l’ordre de 115 emplois en 2014, 8 000 en 2019 et 14 494 en 2021.
Source : auto-construction à partir des données TAC
On constate que très peu d’entreprises embauchent plus de 500 employés tandis que la majorité des entreprises emploient moins de 100 personnes.
Uniquement quatre entreprises ont plus de 1 000 employés. Il s’agit des équipementiers automobiles LEAR, VALEO, TE CONNECTIVITY et ECI. Trois entreprises embauchent entre 500 et 1 000 personnes. C’est le cas de PRETTL, spécialiste du câblage automobile, SIEMENS GAMESA, leader mondial dans la fabrication des éoliennes et HANDS CORPORATION qui a implantée à la TAC sa première usine au Maroc pour la fabrication des jantes automobiles. Par ailleurs, 21 entreprises emploient entre 100 et 499 personnes et 26 unités ont moins de 100 employés.
- L’analyse de la valeur ajoutée :
Généralement, la zone franche est considérée comme un outil de développement et de croissance économique qui vise à offrir un espace convenable aux activités de production tournées vers l’exportation. Des incitations diverses sont offertes aux entreprises de la zone, à savoir, des incitations douanières, fiscales, financières, règlementaires et administratives. Cette situation conduit à une distinction entre les entreprises de la zone franche qui bénéficient d’une panoplie d’avantages et les entreprises du reste du territoire qui obéissent au régime commun moins favorable.
Certes, il est prématuré de statuer sur la valeur ajoutée de la zone franche TAC. Cependant, on constate un retard dans l’attraction des investissements directs étrangers qui sont pour la majorité spécialisés dans le câblage automobile alors que les investissements à grande valeur ajoutée sont peu nombreux. En outre, certaines entreprises sont déjà installées à la zone TFZ et ont procédé à des extensions au niveau de la zone TAC pour élargir leurs activités. Dans ce cas, il ne s’agit plus d’investissements qui vont apporter de nouveaux procédés et connaissances au personnel.
Par ailleurs, il est très difficile de statuer sur la réussite d’une zone franche. Si certaines zones ont réussi à attirer des capitaux étrangers, promouvoir les exportations et créer des emplois, d’autres zones n’ont pas eu le même ressort. Malgré toutes les dépenses et les incitations, elles n’arrivent pas à attirer des investissements étrangers, et en particulier ceux à grande valeur ajoutée et riches en terme de capitaux, d’apprentissage, de transfert de technologie et du savoir-faire.
On peut dire que les zones franches des pays en voie de développement se caractérisent par des investissements classiques nécessitant une main d’œuvre abondante et bon marché destinée à manipuler des tâches répétitives simples. Les relations avec l’économie locale sont très étroites et se limitent à des services secondaires tels que le nettoyage, la sécurité et la restauration. L’approvisionnement local en matières premières et intermédiaires est rare. La plupart des entreprises étrangères installées dans ces zones n’arrivent pas à assurer un niveau d’intégration élevé.
Pourtant, les zones franches des pays développés se rapprochent de plus en plus des parcs scientifiques et des zones d’innovation qui accueillent des entreprises technologiques et des activités de recherche et développement afin d’optimiser les effets de cluster.
Warr (1989) a procédé à une évaluation coûts-avantages de quatre zones franches d’exportation en Malaisie, en Indonésie, en Corée et aux Philippines. Les coûts pris en compte sont les dépenses liées à la réalisation des infrastructures, les services fournis, l’accès aux financements préférentiels et les coûts administratifs. Les avantages considérés comprennent les recettes en devises, la création d’emplois, les revenus tirés de la location ou de la vente de terrains, des intrants locaux et des taxes prélevées. Sur les quatre zones étudiées, trois ont obtenu des taux de rentabilité positifs ; seule la zone de Bataan aux Philippines qui a présenté des taux négatifs.
Dans le même sens, Jayanthakurmaran (2003) a fait le bilan de plusieurs études coûts-avantages de différentes ZFE en Asie. Il a conclu que les zones franches présentent des gains statiques sous forme d’entrées de devises étrangères, la compensation reçue des facteurs de production et des fournisseurs, la modernisation des infrastructures et des services connexes et la valorisation du territoire. Le soutien apporté au processus d’industrialisation du pays a été à l’origine d’autres gains plus dynamiques. Les programmes des ZFE a permis l’amélioration des connaissances et du savoir-faire à travers l’acquisition de technologies nouvelles. Ils sont une source importante d’emplois et de promotion de l’entrepreneuriat local. Ils incitent les entrepreneurs locaux soit à investir dans des projets suscités de l’extérieur ou dans des opérations parallèles, soit à orienter leur épargne vers des secteurs d’activités complémentaires de ceux dans lesquels pénètre le capital étranger. Ainsi, le capital étranger peut attirer, d’un côté, d’autres capitaux étrangers et, d’un autre côté, le capital local. Bref, le capital étranger ouvre la voie à de nouveaux projets d’investissement locaux ou étrangers et favorise l’accroissement du volume total d’investissement indispensable à la croissance économique.
Cependant, au fur et à mesure que l’industrie locale du pays se développe, les avantages des ZFE diminuent. En l’absence de liaisons durables avec l’économie nationale par l’obtention de bénéfices en faveur des acteurs locaux, l’intérêt pour ces programmes risque de se dissiper. A signaler que ces études s’appuient sur de nombreuses hypothèses, comme le taux social d’actualisation, qui influent sur les résultats et n’incluent pas les avantages indirects des ZFE, mais elles offrent des points de référence utiles. La prise en compte du concept de taux d’actualisation se traduit par l’accentuation des effets des coûts d’infrastructures, élevés au départ, tandis que l’importance de la mobilisation précoce d’IDE apparaît plus clairement.
Conclusion :
Malgré le retard observé dans le drainage des investissements étrangers au niveau de la zone TAC, on peut conclure que cette zone est très sélective dans l’acceptation des projets d’investissement qui doivent être diversifiés, structurants, riches en termes de capitaux et qui respectent les normes environnementales exigées. Toutefois, la zone a pu également créer un nombre très important d’emplois et atténuer le taux de chômage au niveau de la région. La spécialisation de la zone dans les métiers de l’automobile a permis de satisfaire les besoins des professionnels du secteur, en particulier les équipementiers, les opérateurs logistiques et les sous-traitants. Elle a permis également à la zone de se développer dans un secteur promoteur pour la création de l’emploi et l’acquisition de nouvelles technologies et la promotion des exportations et de la croissance économique.
Bibliographie :
- Ayman Alkhanbouli, Christophe Estay, Dimitrios Tsagdis (2019), « Modèles d’affaires et modèles d’affaires innovants au sein des zones franches : une approche qualitative », in « Management international », pp : 97-108 ;
- HCP et BO (2017), « Le marché du travail au Maroc : défis et opportunités », publications HCP, Rabat ;
- Laurence Buzenot, « Industrialisation, zone franche et développement socio-spatial dans les espaces insulaires : Les cas des îles de la Caraïbe et de l’île Maurice », thèse de doctorat en géographie, Université de la Réunion, 2010 ;
- MAANINOU Amal (2009), « Évolution récente et avenir de l’industrie automobile au Maroc », in « Critique économique » n° 24, Printemps-été, p.157-176 ;
- MEKKI Rabiâa (2005), « Comportement stratégique des firmes et commerce international », thèse de Doctorat en sciences économiques de l’Université du Maine ;
- Michael Engman, Osamu Onodera et Enrico Pinali (2007), « Zones franches d’exportation : leur rôle passé et futur dans les échanges et le développement », rapport du Comité des échanges de l’OCDE sur la politique commerciale, N° : 53, éditions OCDE, Paris ;
- Ministère de l’industrie, du commerce, de l’investissement et de l’économie numérique (MICIEN), (2014), « D’émergence aux écosystèmes performants (2014-2020) : mise en œuvre du Plan d’accélération industrielle », publications du MICIEN, Rabat ;
- OCDE, (2009), « Zone franches : coûts et avantages », in « L’observateur de l’OCDE », N° : 275, pp 19-21 ;
- Tanger Med (2021), « Rapport annuel 2020 », publications Tanger Med, Tanger ;
- Thierry Pairault (2019), « Des nids pour le phénix : l’Afrique et les zones économiques spéciales chinoises », Deuxième Workshop en économie du développement : « Politiques publiques de développement dans les pays d’Afrique subsaharienne », Université du Luxembourg, Association Tiers-Monde, Université Alasasane Ouattara, Abidjan, Côte d’Ivoire.Dans les dernières décennies le Maroc a redoublé ses efforts pour soutenir les différents secteurs industriels. Plusieurs stratégies ont été adoptées pour construire une industrie forte et moderne. Le plan Emergence et le plan d’accélération industrielle ont déterminé six branches de l’industrie dits « métiers mondiaux » du Maroc sur lesquels se focalisent toutes les actions de soutien, de modernisation et de restructuration. Il s’agit bien évidemment de l’offshoring, l’automobile, l’aéronautique, l’électronique, le textile et cuir et l’agroalimentaire. Plusieurs zones industrielles, zones franches et plateformes intégrées ont été mises en place pour accueillir les industries relevant de ces secteurs. Certaines de ces zones sont généralistes et accueillent toutes les catégories d’activités industrielles et de services comme la zone franche Tanger Free Zone qui contient des activités de l’automobile, l’aéronautique, l’électrique et l’électronique, la chimie et parachimie, le textile et cuir, l’agro-alimentaire et les services. Par contre, d’autres zones sont plus spécialisées et dédiées uniquement aux industries relevant d’un secteur particulier. On cite par exemple, les zones franches Tanger Automotive City, Midparc de Nouacer, Medhub de Tanger Med et Tétouan shore réservées respectivement aux industries de l’automobile, l’aéronautique, la logistique et l’offshoring.
Dans cet artciclen nous allons étudier en détail l’exemple de la zone Tanger Automotive City (TAC) et son rôle dans la création de l’emploi au niveau de la région d’accueil.
- Bref aperçu sur la zone Tanger Automotive City :
La zone franche Tanger Automotive City (TAC) a été créée par la signature le 10 mars 2010 de la convention cadre pour l’aménagement, le développement, la promotion, la commercialisation et la gestion de la P2I Tanger-Jouamaa par l’Agence Spéciale Tanger Méditerranée (TMSA) et la publication dans le Bulletin Officiel le 20 Avril 2011 décret n°2-10-377 portant création de la zone.
La zone TAC se situe dans la commune rurale de Jouamaa, province Fahs Anjra, à environ 18 km du centre de la ville de Tanger et à proximité de l’usine Renault Tanger. Elle s’étale sur une superficie de 323 ha répartis sur deux zones : une zone libre et une zone franche. La zone libre peut inclure les différentes activités industrielles alors que la zone franche est réservée exclusivement à l’industrie automobile.
Le démarrage de l’activité industrielle a commencé en mois de juin 2014 avec l’ouverture de la première unité industrielle du laeder américain Electrical Components InternationaI (ECI) spécialisé dans le câblage électronique et automobile. La zone compte actuellement 54 entreprises qui sont toutes opérationnelles à l’exception d’une seule unité en arrêt relevant de l’équipementier coréen DAEDONG SYSTEM spécialisé dans la fabrication et la commercialisation de pièces et accessoires automobiles.
- Evolution du nombre des entreprises :
Source : auto-construction à partir des données TAC
Le nombre des entreprises dans la zone TAC est en évolution continue, soit 4 entreprises en 2014, 16 en 2016, 35 en 2019 et 54 en 2021. Cependant, on peut constater que cette évolution demeure limitée. Après huit ans du démarrage de la zone, un chiffre de 53 entreprises reste modeste si on le compare avec le nombre d’entreprises attirées par la zone Tanger Free Zone (TFZ) qui a débuté son activité en 1999 et après huit ans cette zone avait déjà en son territoire 370 entreprises.
Certes, après la zone franche du port de Tanger créée en 1961, la zone TFZ a été la seconde zone franche d’exportation moderne au Maroc et le besoin dans ce type d’espaces industriels était très élevé.
Actuellement, le Maroc dispose de plusieurs zones franches et zones industrielles libres et la concurrence entre elles est acharnée pour attirer les investissements étrangers. En plus, la zone TAC est très sélective dans l’acceptation des demandes d’implantation qui doivent porter sur des investissements riches en termes de chiffre d’affaires et du savoir-faire. Par ailleurs, le contexte économique international est très bouleversé par la succession des crises économiques et financières qui a sans doute eu un impact très lourd sur les économies des pays émetteurs et la montée en puissance de la Chine au détriment de l’Union Européenne et les Etats-Unis.
Ce retard dans l’attraction des investissements étrangers par la zone TAC se répercute sur le taux de remplissage de la zone qui ne dépasse pas 43%. Ainsi, des efforts de marketing et de promotion doivent être déployés pour le combler le retard dans l’attraction des investissements étrangers et éviter l’entrée prématurée de la zone dans la phase de stagnation.
A noter que toute zone franche passe par trois étapes : une phase de lancement, une phase de maturité et une phase d’intégration. La phase de lancement se caractérise par le nombre élevé des entreprises qui s’implantent dans la zone. Dans la phase de maturité, le nombre des entreprises nouvelles est faible et la zone se focalise sur les investissements riches en valeur ajoutée et en savoir-faire. Lorsque la zone détient un niveau avancé de maturité, l’objectif devient la multiplication des relations avec l’économie locale, c’est ce qu’on appelle la phase d’intégration.
La ventilation par secteurs d’activité :
La zone TAC comprend plusieurs activités industrielles. Le graphique suivant représente la répartition des entreprises de la zone selon le secteur d’activité.
Source : auto-construction à partir des données TAC
La ventilation des entreprises de la TAC par secteurs fait apparaître que la majorité des entreprises appartiennent au secteur de l’automobile. Cela justifie la vocation automobile de la zone qui vise à offrir un espace convenable et avantageux pour les équipementiers automobiles en particulier les fournisseurs de l’usine Renault de Tanger très proche de la zone TAC.
Ainsi, 68% des entreprises font partie du secteur de l’automobile, 9% du secteur de l’électrique et l’électronique, 7% du secteur de la logistique, 6% du secteur des services, 6% du secteur mécanique, métallique et métallurgique, 2% du secteur de la fabrication des emballages et 2% du secteur des travaux routiers.
La ventilation par origine :
La répartition des entreprises selon leurs pays d’origine se présente comme suit :
Source : auto-construction à partir des données TAC
On constate l’existence d’une diversification des origines des entreprises au sein de la zone TAC et une ouverture sur certains pays qui n’avaient pas auparavant le Maroc comme une destination privilégiée. Les entreprises françaises sont en tête des investisseurs à la zone TAC suivies des entreprises américaines, indiennes, japonaises et italiennes.
- La dynamique de création d’emploi :
La création d’emploi est un objectif essentiel de la mise en place de toute zone franche ou industrielle. Ces emplois peuvent être directs à travers les postes créés effectivement au sein de l’entreprise ou indirects par le biais des relations avec les entreprises locales (approvisionnement local, restauration, nettoyage, gardiennage, comptabilité, transit, etc.).
Source : auto-construction à partir des données TAC
Le nombre des emplois créés par la zone TAC a enregistré un accroissement remarquable en particulier entre 2019 et 2021. Ce nombre a été de l’ordre de 115 emplois en 2014, 8 000 en 2019 et 14 494 en 2021.
Source : auto-construction à partir des données TAC
On constate que très peu d’entreprises embauchent plus de 500 employés tandis que la majorité des entreprises emploient moins de 100 personnes.
Uniquement quatre entreprises ont plus de 1 000 employés. Il s’agit des équipementiers automobiles LEAR, VALEO, TE CONNECTIVITY et ECI. Trois entreprises embauchent entre 500 et 1 000 personnes. C’est le cas de PRETTL, spécialiste du câblage automobile, SIEMENS GAMESA, leader mondial dans la fabrication des éoliennes et HANDS CORPORATION qui a implantée à la TAC sa première usine au Maroc pour la fabrication des jantes automobiles. Par ailleurs, 21 entreprises emploient entre 100 et 499 personnes et 26 unités ont moins de 100 employés.
- L’analyse de la valeur ajoutée :
Généralement, la zone franche est considérée comme un outil de développement et de croissance économique qui vise à offrir un espace convenable aux activités de production tournées vers l’exportation. Des incitations diverses sont offertes aux entreprises de la zone, à savoir, des incitations douanières, fiscales, financières, règlementaires et administratives. Cette situation conduit à une distinction entre les entreprises de la zone franche qui bénéficient d’une panoplie d’avantages et les entreprises du reste du territoire qui obéissent au régime commun moins favorable.
Certes, il est prématuré de statuer sur la valeur ajoutée de la zone franche TAC. Cependant, on constate un retard dans l’attraction des investissements directs étrangers qui sont pour la majorité spécialisés dans le câblage automobile alors que les investissements à grande valeur ajoutée sont peu nombreux. En outre, certaines entreprises sont déjà installées à la zone TFZ et ont procédé à des extensions au niveau de la zone TAC pour élargir leurs activités. Dans ce cas, il ne s’agit plus d’investissements qui vont apporter de nouveaux procédés et connaissances au personnel.
Par ailleurs, il est très difficile de statuer sur la réussite d’une zone franche. Si certaines zones ont réussi à attirer des capitaux étrangers, promouvoir les exportations et créer des emplois, d’autres zones n’ont pas eu le même ressort. Malgré toutes les dépenses et les incitations, elles n’arrivent pas à attirer des investissements étrangers, et en particulier ceux à grande valeur ajoutée et riches en terme de capitaux, d’apprentissage, de transfert de technologie et du savoir-faire.
On peut dire que les zones franches des pays en voie de développement se caractérisent par des investissements classiques nécessitant une main d’œuvre abondante et bon marché destinée à manipuler des tâches répétitives simples. Les relations avec l’économie locale sont très étroites et se limitent à des services secondaires tels que le nettoyage, la sécurité et la restauration. L’approvisionnement local en matières premières et intermédiaires est rare. La plupart des entreprises étrangères installées dans ces zones n’arrivent pas à assurer un niveau d’intégration élevé.
Pourtant, les zones franches des pays développés se rapprochent de plus en plus des parcs scientifiques et des zones d’innovation qui accueillent des entreprises technologiques et des activités de recherche et développement afin d’optimiser les effets de cluster.
Warr (1989) a procédé à une évaluation coûts-avantages de quatre zones franches d’exportation en Malaisie, en Indonésie, en Corée et aux Philippines. Les coûts pris en compte sont les dépenses liées à la réalisation des infrastructures, les services fournis, l’accès aux financements préférentiels et les coûts administratifs. Les avantages considérés comprennent les recettes en devises, la création d’emplois, les revenus tirés de la location ou de la vente de terrains, des intrants locaux et des taxes prélevées. Sur les quatre zones étudiées, trois ont obtenu des taux de rentabilité positifs ; seule la zone de Bataan aux Philippines qui a présenté des taux négatifs.
Dans le même sens, Jayanthakurmaran (2003) a fait le bilan de plusieurs études coûts-avantages de différentes ZFE en Asie. Il a conclu que les zones franches présentent des gains statiques sous forme d’entrées de devises étrangères, la compensation reçue des facteurs de production et des fournisseurs, la modernisation des infrastructures et des services connexes et la valorisation du territoire. Le soutien apporté au processus d’industrialisation du pays a été à l’origine d’autres gains plus dynamiques. Les programmes des ZFE a permis l’amélioration des connaissances et du savoir-faire à travers l’acquisition de technologies nouvelles. Ils sont une source importante d’emplois et de promotion de l’entrepreneuriat local. Ils incitent les entrepreneurs locaux soit à investir dans des projets suscités de l’extérieur ou dans des opérations parallèles, soit à orienter leur épargne vers des secteurs d’activités complémentaires de ceux dans lesquels pénètre le capital étranger. Ainsi, le capital étranger peut attirer, d’un côté, d’autres capitaux étrangers et, d’un autre côté, le capital local. Bref, le capital étranger ouvre la voie à de nouveaux projets d’investissement locaux ou étrangers et favorise l’accroissement du volume total d’investissement indispensable à la croissance économique.
Cependant, au fur et à mesure que l’industrie locale du pays se développe, les avantages des ZFE diminuent. En l’absence de liaisons durables avec l’économie nationale par l’obtention de bénéfices en faveur des acteurs locaux, l’intérêt pour ces programmes risque de se dissiper. A signaler que ces études s’appuient sur de nombreuses hypothèses, comme le taux social d’actualisation, qui influent sur les résultats et n’incluent pas les avantages indirects des ZFE, mais elles offrent des points de référence utiles. La prise en compte du concept de taux d’actualisation se traduit par l’accentuation des effets des coûts d’infrastructures, élevés au départ, tandis que l’importance de la mobilisation précoce d’IDE apparaît plus clairement.
Conclusion :
Malgré le retard observé dans le drainage des investissements étrangers au niveau de la zone TAC, on peut conclure que cette zone est très sélective dans l’acceptation des projets d’investissement qui doivent être diversifiés, structurants, riches en termes de capitaux et qui respectent les normes environnementales exigées. Toutefois, la zone a pu également créer un nombre très important d’emplois et atténuer le taux de chômage au niveau de la région. La spécialisation de la zone dans les métiers de l’automobile a permis de satisfaire les besoins des professionnels du secteur, en particulier les équipementiers, les opérateurs logistiques et les sous-traitants. Elle a permis également à la zone de se développer dans un secteur promoteur pour la création de l’emploi et l’acquisition de nouvelles technologies et la promotion des exportations et de la croissance économique.
Bibliographie :
- Ayman Alkhanbouli, Christophe Estay, Dimitrios Tsagdis (2019), « Modèles d’affaires et modèles d’affaires innovants au sein des zones franches : une approche qualitative », in « Management international », pp : 97-108 ;
- HCP et BO (2017), « Le marché du travail au Maroc : défis et opportunités », publications HCP, Rabat ;
- Laurence Buzenot, « Industrialisation, zone franche et développement socio-spatial dans les espaces insulaires : Les cas des îles de la Caraïbe et de l’île Maurice », thèse de doctorat en géographie, Université de la Réunion, 2010 ;
- MAANINOU Amal (2009), « Évolution récente et avenir de l’industrie automobile au Maroc », in « Critique économique » n° 24, Printemps-été, p.157-176 ;
- MEKKI Rabiâa (2005), « Comportement stratégique des firmes et commerce international », thèse de Doctorat en sciences économiques de l’Université du Maine ;
- Michael Engman, Osamu Onodera et Enrico Pinali (2007), « Zones franches d’exportation : leur rôle passé et futur dans les échanges et le développement », rapport du Comité des échanges de l’OCDE sur la politique commerciale, N° : 53, éditions OCDE, Paris ;
- Ministère de l’industrie, du commerce, de l’investissement et de l’économie numérique (MICIEN), (2014), « D’émergence aux écosystèmes performants (2014-2020) : mise en œuvre du Plan d’accélération industrielle », publications du MICIEN, Rabat ;
- OCDE, (2009), « Zone franches : coûts et avantages », in « L’observateur de l’OCDE », N° : 275, pp 19-21 ;
- Tanger Med (2021), « Rapport annuel 2020 », publications Tanger Med, Tanger ;
- Thierry Pairault (2019), « Des nids pour le phénix : l’Afrique et les zones économiques spéciales chinoises », Deuxième Workshop en économie du développement : « Politiques publiques de développement dans les pays d’Afrique subsaharienne », Université du Luxembourg, Association Tiers-Monde, Université Alasasane Ouattara, Abidjan, Côte d’Ivoire.