Entre les deux candidats à l’Elysée, le président sortant Emmanuel Macron et la représentante de l’extrême droite Marine Le Pen, tout -ou presque- les sépare. Chacun défend une vision propre de la démocratie française, de la société, de la diplomatie, de la sécurité, de la laïcité et de l’environnement. Dans l’approche de l’un et de l’autre, la rupture est la règle, même si les idées des deux finalistes du second tour convergent sur certains points.
Sur la démocratie française d’abord, les deux prétendants à la présidence de la République s’opposent diamétralement. Chez la présidente du Rassemblement national, la notion de « peuple » revient avec récurrence. Lors d’une conférence de presse, tenue la semaine dernière pour exposer son approche de « revitalisation de la démocratie », Marine Le Pen a proposé une « révolution référendaire ». Car, selon elle, « seul le peuple devrait avoir la possibilité de réviser la Constitution » et non le parlement.
Elle a remis sur la table une des revendications du mouvement social des « gilets jaunes » de 2018-19, à savoir les référendums d’initiative citoyenne, et souhaité réviser la Constitution pour y faire entrer le principe de « priorité nationale » et la primauté du droit national sur le droit international.
Macron, lui, qualifie la piste qu’envisage d’emprunter sa concurrente de « dérive autoritaire ». Selon lui, « Marine Le Pen confond deux choses : aller vers le peuple et ne pas respecter la Constitution. (…). C’est dangereux parce que ça peut conduire à changer les choses à sa main, et à manipuler ».
L’autre sujet autour duquel se cristallisent attention et passion est celui de la réforme de la retraite. Les deux candidats affichent une grande opposition. Alors que Marine Le Pen défend un âge légal de départ à la retraite à 60 ans (pour ceux qui ont travaillé avant 20 ans et pendant quarante ans), Emmanuel Macron, lui, souhaite le relever progressivement à 65 ans et envisage toujours une réforme plus vaste.
Virulemment critiqué sur ce sujet, le président sortant a été contraint de faire une concession envers l’électorat populaire et socialiste en se disant prêt à « bouger » sur ce totem de son programme. Macron a répété ces derniers jours qu’il maintiendrait le principe d’un recul de l’âge de départ de quatre mois par an dès 2023, tout en promettant d’ »ouvrir le jeu », avec une « clause de revoyure » en 2027.
Sur l’Europe, il est extrêmement difficile de relever des points de convergence. Leur opposition est assez nette. Pour résumer, il suffit de dire que le duel opposera un europhile authentique à une eurosceptique convaincue.
Bien que Marine Le Pen ne mentionne plus une sortie de la France de l’Union européenne ou un abandon de la monnaie unique européenne, ses propositions sont jugées « radicales » et pourraient à terme conduire à un « Frexit ».
Au-delà du symbole de retirer le drapeau européen du fronton de tous les bâtiments officiels du pays, la candidate d’extrême droite envisage, si elle est élue, de rétablir la primauté du droit national sur le droit européen, baisser de 5 milliards d’euros la contribution de la France au budget européen, revenir au contrôle aux frontières à l’intérieur de l’espace Schengen et se retirer du projet « d’Europe de la défense » porté par Emmanuel Macron.
Selon l’équipe du président sortant, ce programme est ‘’inapplicable’’ dans le cadre des traités européens actuels et risque de mettre la France au banc de l’Europe.
Outre l’Europe, le sujet de la politique étrangère n’a jamais semblé si clivant, notamment dans le contexte de la guerre en Ukraine.
Si Macron s’est investi dans le conflit russo-ukrainien, plaidant pour davantage de sanctions contre la Russie, une Europe de la défense et un partenariat renforcé avec les alliés occidentaux, Marine Le Pen, elle, adopte une posture différente. Estimant que les sanctions fragilisent en premier chef le pouvoir d’achat des français, elle adopte une position plus conciliante avec Moscou.
Tout en plaidant pour une sortie de la France du commandement intégré de l’OTAN à l’issue de la guerre en Ukraine, elle propose même de nouer « une alliance avec la Russie sur certains sujets de fond » comme la sécurité européenne.
Les traités de libre-échange, dont le CETA, qui doit lier l’UE et le Canada, est également dans le viseur de la candidate nationaliste, qui n’y cache pas son opposition.
S’agissant de l’immigration, les programmes des deux candidats se rencontrent sur certains points, notamment le durcissement de l’accès à la nationalité française (Macron veut la conditionner à la maitrise du français).
Mais, prises une par une, les propositions de Marine Le Pen répondent à une approche radicale. Entre autres mesures chocs, elle compte limiter le droit d’asile, supprimer le droit du sol et l’acquisition automatique de la nationalité par le mariage, inscrire dans la Constitution les circonstances menant à la déchéance de nationalité et procéder à l’expulsion systématique des « clandestins, délinquants et criminels étrangers », ainsi que des mineurs sans papiers.
Alors que la question de la laïcité a été quelque peu remise en retrait durant la campagne présidentielle pour le premier tour, elle est revenue aux devants de la scène.
Dans son discours de la soirée de l’annonce des résultats du premier tour, Macron a tenu à se différencier de sa rivale, en se déclarant pour « une France qui lutte résolument contre le séparatisme islamiste mais qui, par la laïcité, permet à chacun de croire ou de ne pas croire, d’exercer son culte ».
Marine Le Pen, elle, adopte la ligne dure. Sa proposition-phare reste l’interdiction du port du voile dans l’espace public, en le sanctionnant par une amende – mais tout en autorisant la kippa !-.
Pour Macron, qui est contre l’interdiction d’une religion et de ses signes dans l’espace public, « l’État » ne combat pas la religion ».
Outre le port du voile, alors que Marine Le Pen envisage de contrôler la diffusion d’idéologies religieuses à l’école, « retirer la nationalité française aux personnes l’ayant acquise et qui manifestent ou diffusent l’idéologie islamiste » et interdire « l’abattage rituel des animaux sans étourdissement préalable », Emmanuel Macron tient une position d’équilibriste. Il ne souhaite pas notamment une « France qui empêche les musulmans ou les juifs de manger comme le prescrit leur religion ».
Sur l’environnement, les divergences ne sont pas aussi criardes. Les deux sont favorables au nucléaire. Toutefois, si Macron envisage de développer les énergies solaire et éolienne ainsi que de l’hydrogène, Marine Le Pen souhaite, en revanche, un moratoire sur l’énergie éolienne et solaire.
Samedi dernier lors d’un meeting à Marseille, Macron a franchi un nouveau pas en direction des électeurs de Jean-Luc Mélenchon (La France Insoumise) et de Yannick Jadot (Europe Ecologie-Les Verts). Il s’est présenté comme le candidat de la défense de l’environnement face à une extrême droite « climatosceptique ». « Le 24 avril, c’est un référendum pour ou contre l’écologie », a-t-il lancé.